vendredi 5 juin 2015

L’esprit et la nature de l’esprit




Sogyal Rinpoché, Le livre tibétain de la vie et de la mort

Le bouddhisme propose une vision toujours révolutionnaire à ce jour, à savoir que la vie et la mort existent dans l’esprit nulle part ailleurs.
L’esprit est révélé en tant que base universelle de l’expérience. Il est le créateur du bonheur et le créateur de la souffrance, le créateur de ce que nous appelons la vie et de ce que nous nous appelons la mort.
Parmi les nombreux aspects de l’esprit, on en distingue plus particulièrement deux.
Le premier est l’esprit ordinaire, que les Tibétains appellent sem. Un maitre le définit ainsi : « Cela même qui est doté d’une conscience discriminante, cela qui possède un sens de la dualité – qui saisit ou rejette ce qui est extérieur à lui : tel est l’esprit.
Fondamentalement  il est ce que l’on associe à l’ « autre » - tout « objet » perçu comme diffèrent de celui qui perçoit. ( Chöyam Trungpa, The Heart of the Bouddha, Boston, Shambala, 1991, p. 23)
Sem est l’esprit discursif, dualiste, l’esprit qui “pense”, qui ne peut fonctionner qu’en relation avec un point de référence extérieur projeté par lui et faussement perçu.
Sem est donc l’esprit qui pense, qui intrigue, désire, manipule, qui s’enflamme de colère, crée des vagues d’émotions et de pensées négatives et s’y complait. C’est l’esprit qui doit sans relâche se justifier, consolider son « existence » et en prouver la validité en fragmentant l’expérience en la conceptualisant, en la solidifiant. Inconstant et futile, l’esprit ordinaire est la proie incessante des influences extérieurs, des tendances habituelles et du conditionnement, les maitres le comparent à la flamme d’une bougie dans l’embrasure d’une porte, vulnérable à tous les vents de circonstances.
Perçu sous un certain angle sem apparait comme vacillant, instable, avide, se mêlant sans cesse de ce qui ne le regard pas ; son énergie se consume en une constant projection vers l’extérieur. Il me fait penser à un pois sauteur mexicain, où à un singe dans un arbre, bondissant sans répit  de branche en branche. Cependant, vu sous un autre angle, l’esprit ordinaire possède l’immobilité minérale que donnent des habitudes invétérées, une stabilité morne et factice, une inertie vaniteuse et autoprotectice. Sem se révélé aussi rusé qu’un politicien retors ; il est sceptique, méfiant, expert dans la fourberie et la ruse, « fort astucieux dans les jeux de la tromperie » écrivait Jamyang Khyentsé.
C’est au sein de cet esprit ordinaire, chaotique, confus, indiscipliné et répétitif – sem- que nous faisons l’expérience, encore et toujours, du changement et de la mort.

Le deuxième aspect est la nature même de l’esprit, l’essence la plus profonde, qui n’est absolument jamais affectée par le changement ou par la mort. Pour le moment elle demeure cachée à l’intérieur de notre propre esprit – notre sem- enveloppée et obscurcie par l’agitation mentale désordonnée de nos pensées et de nos émotions. De même que les nuages chassées par une forte bourrasque, révèlent l’éclat du soleil  et l’étendue dégagée du ciel, ainsi une inspiration de certaines  circonstances particulières, peut-elle nous dévoiler des aperçus de la nature et de l’esprit.
 Ces aperçues peuvent être d’intensité et de profondeur très diffèrent, mais de chacun émane une lumière de compréhension, de sens et de liberté. En effet la nature de l’esprit est la source même  de toute compréhension. En tibétain nous l’appelons Rigpa, conscience claire primordiale, pure, originelle, à la fois intelligence, discernement, rayonnement  et éveil constant.
On pourrait dire qu’elle est la connaissance de la connaissance elle-même.

1 commentaire:

  1. J'ai répondu par un texte "la philosophie voie d'amour...."
    http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=866

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